Un investissement qui offre un rendement de 8% n’est pas toujours supérieur à un autre investissement qui offre un rendement annuel de 5%. Il est nécessaire de comparer le rendement du produit avec le risque également. En finances, le risque n’est pas de perdre son investissement en entier, mais est plutôt défini comme l’incertitude du rendement qu’un investisseur va obtenir.
Par exemple, un certificat de placement garanti qui génère 5% par année est considéré un placement sans risque. En vérité, il y a toujours un risque car l’institution financière qui offre ce certificat pourrait faire faillite et ne jamais pouvoir rembourser le montant investi. Cependant, en finances, le risque est nul car l’investisseur sait exactement quel rendement il va obtenir avec ce produit financier.
Par contre, un produit qui varie beaucoup au niveau des rendements est considéré comme ayant un risque élevé. Par exemple, si les rendements des 3 dernières années ont été de +11%, +9% et +22%, ce placement est considéré plus à risque qu’un autre qui offre 5% par année de manière constante, même si ce placement serait beaucoup plus avantageux basé sur ces données. Le risque est donc la volatilité des rendements, et ce concept est à la base de plusieurs notions et théories financières.
Le ratio de Sharpe, nommé après William Sharpe qui a créé cette formule en 1966, est souvent utilisé pour sa simplicité. Voici la formule :
Ratio de Sharpe = (Rendement du portefeuille P – Rendement sans risque) / Écart type du portefeuille
Ce ratio permet de déterminer l’investissement qui a généré la meilleure performance selon le risque du placement.
Rendement du portefeuille (Rp)
La première variable est le rendement d’un portefeuille de produits financiers, quoique cette analyse puisse aussi se faire aussi pour un produit financier individuel. Cela peut être par exemple le rendement espéré pour la prochaine année, mais nous pouvons aussi utiliser le rendement passé pour cette variable, tout dépendant de ce que nous cherchons. Il est possible d’utiliser la période de son choix également. Par exemple, nous pouvons utiliser le rendement d’un trimestre, d’une année ou même le rendement annualisé de 5 dernières années.
Rendement sans risque (Rf provenant de l’appellation anglaise risk-free rate)
Pour cette variable, le rendement sans risque provient d’un produit gouvernemental qui procure un retour sur investissement garanti, pour la même période que la variable Rp décrite auparavant. Le gouvernement, pour se financier, émet des obligations que les investisseurs peuvent acheter. En retour de cet achat, le gouvernement leur paye un taux d’intérêt pour la durée de l’obligation tel qu’expliqué dans cet article. Le taux d’intérêt est en fonction du risque de l’entité qui émet ces obligations, et le gouvernement, vu qu’il possède le pouvoir de récolter les impôts, offre le taux d’intérêt le plus bas. Ce taux est souvent considéré comme étant la référence pour les obligations.
Un investisseur très prudent, a donc le choix d’investir dans des obligations gouvernementales et obtenir un taux garanti. Cependant, pour obtenir un rendement supplémentaire, il faut être prêt à prendre un certain degré de risque.
Le numérateur du ratio de Sharpe mesure donc l’excédent du rendement du portefeuille sur le rendement d’un produit gouvernemental. Combien le portefeuille a généré de rendement supplémentaire par rapport à si une personne avait investi dans des obligations gouvernementales? La réponse va se trouver dans le haut de la formule.
Écart type du portefeuille
L’écart type est une mesure de dispersion, qui indique à quel point les rendements du produit financier sont proche/loin de la moyenne de celui-ci. Un gros écart type signifie que les rendements sont éloignés de la moyenne, alors qu’un petit écart type signifie que les rendements sont sensiblement à proximité de la moyenne. Vu que la définition du risque est l’incertitude face au risque, un écart type plus bas est supérieur pour l’investisseur.
L’écart type est souvent fourni par les logiciels ou peut être inclus dans la documentation d’un produit financier. Pour voir un exemple détaillé de la façon de calculer un écart type, vous pouvez lire cet article qui montre l’ensemble des étapes à suivre.
Analyse du résultat
En possédant l’information sur les trois variables dans la formule, il est possible de maintenant trouver le ratio de Sharpe. Supposons les informations suivantes qui sont pour une année complète :
Rendement Produit A = 8%
Rendement Produit B = 12%
Rendement sans risque = 2%
Écart type produit A = 4
Écart type produit B = 7
Ratio de Sharpe pour le Produit A
(8% – 2%) / 4 = 1,5
Ratio de Sharpe pour le Produit B
(12% – 2%) / 7 = 1,43
Le produit A possède un ratio de Sharpe plus élevé (1,5) que le produit B (1,43) et ce, même si le produit B a obtenu un meilleur rendement. Ceci veut dire que le produit A a eu une meilleure performance et a su obtenir un meilleur rendement par unité de risque.
En résumé, si deux produits ont le même rendement, il est plus optimal d’opter pour celui avec un ratio de Sharp supérieur, car cela veut dire que la volatilité de ce produit est plus petite.
Tolérance au risque
Il est facile de penser que si deux produits ont le même ratio de Sharpe, celui qui offre le meilleur rendement est supérieur à l’autre. Cependant, il faut faire attention car le concept de la tolérance au risque va entrer en jeu. Deux produits ayant le même ratio de Sharpe vont produire la même performance par unité de risque du placement. Les deux sont donc également efficaces. Cependant, le degré de risque qu’une personne est prête à prendre va dépendre de sa situation personnelle.
Période analysée
Le ratio de Sharpe peut être calculé autant par rapport à l’historique d’un produit, que pour une période future aussi. Cependant, le ratio de Sharpe pour une période future sera basé sur des estimations du rendement espéré du produit, des rendements sans risque sur les marchés financiers et de l’écart-type. Une petite modification face aux prévisions établies viendra rapidement changer le ratio de Sharpe. Comme dans toutes les formules du monde des mathématiques, la formule est aussi bonne que les variables qui entrent dans sa composition.
Limitations du ratio de Sharpe
Le ratio de Sharpe est utilisé pour évaluer la performance d’un portefeuille, mais ce ratio n’est pas parfait. Tout ce qui peut fausser l’une des trois variables dans la formule est une source d’erreur possible.
Une première limite est le fait que les rendements doivent suivre une distribution normale, c’est-à-dire qu’il y ait autant de volatilité d’un côté et de l’autre de la moyenne des rendements. L’illustration de ce concept fera l’objet d’un prochain article, mais cette limitation élimine l’utilisation du ratio de Sharpe pour des options par exemple. Il faut que les rendements soient symétriques, donc que le graphique des rendements potentiels forme une cloche.
De plus, il y a des produits financiers qui se transigent peu, donc ils sont considérés non-liquides. Le prix d’un produit est mis à jour après chaque transaction généralement, et vu qu’il n’y a pas beaucoup de transactions, le prix semble stable dans le temps. Cette stabilité va faire diminuer l’écart type car il n’y a pas beaucoup de volatilité dans le prix. Le ratio de Sharpe est donc préférable pour des produits liquides.
Une autre limitation est que toute la volatilité dans le ratio est perçue de la même manière. Pour un investisseur, seulement la volatilité qui nuit à son rendement espéré va le déranger. Si l’investisseur croît qu’un rendement de 8% est possible pour un placement, il sera très déçu d’obtenir 5%, mais il sera heureux d’obtenir 11%. Pourtant, pour le ratio de Sharpe, les deux possibilités représentent une différence de 3% avec le rendement espéré alors l’impact sera le même pour le ratio.
Il y a aussi des situations particulières où le ratio de Sharpe peut être négatif si les rendements des produits financiers sont inférieurs aux rendements sans risque. Cela peut arriver lorsque les marchés boursiers traversent une phase plus difficile. Un ratio de Sharpe négatif n’est pas évident à analyser et n’est pas aussi significatif.
Plusieurs autres alternatives ou compléments sont apparus au cours des années tel le ratio de Sortino, l’alpha de Jensen et le ratio de Treynor. Ces ratios seront illustrés dans un prochain article.
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