Les débats publics sur les paradis fiscaux ont pris de l’ampleur suite à la parution du documentaire « Le prix à payer » en 2015, basé sur le livre « La crise fiscale qui vient » écrit par la fiscaliste Brigitte Alepin.
Un paradis fiscal, comme son nom l’indique, est un pays ou une région où la fiscalité est plus avantageuse, notamment au niveau des impôts à payer sur le revenu, qui sont très bas ou même inexistants. Il est donc facile de comprendre les motivations poussant les particuliers et les entreprises à profiter de ce taux d’imposition inférieur. Les paradis fiscaux ne sont pas nécessairement illégaux, quoique la ligne est assez mince entre deux termes très semblables; l’évitement fiscal et la fraude fiscale.
L’évitement fiscal est une série d’actions suivies par un investisseur ou une entreprise afin de minimiser légalement sa facture d’impôt. Quoique plusieurs opposants croient que les entreprises devraient payer leur juste part d’impôts puisqu’elles utilisent les services publics pour offrir leurs propres bien/services (rues, ponts, eau courante etc.), les entreprises ont comme objectif principal de maximiser la richesse pour les propriétaires/actionnaires. Sauver en impôts est dans leurs meilleurs intérêts. Le débat suscite donc de la controverse, à savoir si les paradis fiscaux devraient pouvoir offrir autant d’outils légaux aux entreprises pour les aider à minimiser les impôts versés.
L’évitement fiscal, quoique légal, se rapproche aussi du concept de la fraude fiscale, qui consiste à cacher des revenus du pays de résidence dans le but d’éviter illégalement l’impôt payable sur ces revenus.
Les paradis fiscaux ont plusieurs fonctions, mais cet article d’introduction abordera ce sujet en développant deux aspects :
- Les particuliers qui utilisent des paradis fiscaux pour placer une partie de leur fortune
- Les entreprises qui utilisent les paradis fiscaux pour minimiser leurs impôts exigibles
Avantages des paradis fiscaux pour les particuliers
Un premier avantage des paradis fiscaux est la façon qu’ils peuvent cacher une partie de la fortune d’un particulier. Prenons l’exemple d’une personne fortunée habitant au Mexique, pays où les plus riches font souvent l’objet de menaces. Pour se protéger, ce Mexicain pourrait ouvrir une entreprise dans un paradis fiscal, et déposer une somme d’argent enregistré au nom de cette entreprise. Vu que les paradis fiscaux ont le mandat de préserver le secret bancaire, il n’y a aucun moyen de retracer le véritable propriétaire de l’entreprise, ce qui protégerait l’investisseur potentiel. De ce fait, cet argent serait en sécurité au sein de l’institution financière outre-mer. Ceci est une première illustration assez simple de ce mécanisme, quoique ce stratagème implique des avocats et des fiscalistes afin que tout soit conforme.
De plus, les particuliers peuvent profiter également du taux d’imposition très bas ou même inexistant des paradis fiscaux. Des pays, comme le Monaco ou les Îles Caïmans par exemple, n’exige pas d’impôts sur le revenu des particuliers. Une personne ayant le statut de résident à Monaco pourrait donc recevoir un revenu, même en provenance de l’extérieur du pays, sans se soucier de l’impôt à payer. Ceci est un donc un avantage d’être un résident d’un paradis fiscal. De plus, plusieurs de ces paradis fiscaux ont des ententes avec d’autres pays afin que leurs résidents ne soient pas imposés sur leurs revenus mondiaux. Ces ententes internationales feront l’objet d’un article distinct.
Avantages des paradis fiscaux pour les entreprises
Souvent citée par les médias, une statistique mentionne que la moitié de l’activité économique mondiale transite par un paradis fiscal. Ce détour que prennent les flux monétaires est ce qui permet aux entreprises de sauver les impôts à payer sur leurs revenus. Il y a des une multitude de stratégies possibles pour les entreprises, mais nous allons en illustrer quelques-unes.
Un premier exemple concerne la propriété intellectuelle. Supposons une entreprise qui vend du café aux États-Unis et que son taux d’imposition sur ses revenus est de 25%. Cette entreprise créé une filiale, qui lui appartient à 100%, dans un paradis fiscal où le taux d’imposition pour les entreprises est de 5%, et donne les brevets et la marque de commerce de l’entreprise à cette nouvelle filiale.
Vu que la marque de commerce et les brevets appartiennent maintenant à la filiale fraîchement créée, l’entreprise aux États-Unis va devoir payer des droits et des licences à cette nouvelle filiale pour avoir le droit d’utiliser son propre logo sur les biens qu’elle vend. Regardons l’impact financier du transfert des droits à cette filiale.
Si l’entreprise a des revenus annuels de 2 000 000$, sans cette filiale, le revenu après impôts est:
Impôts à payer = 2 000 000$ revenu annuel x 25% taux d’imposition = 500 000$
Revenu net = 2 000 000$ revenu annuel – 500 000$ en impôts = 1 500 000$
Maintenant, en tenant compte de la filiale qui détient les brevets, supposons que l’entreprise paie 800 000$ à cette filiale chaque année pour avoir le droit d’utiliser la marque de commerce et le logo de l’entreprise :
2 000 000$ revenu annuel – 800 000$ frais payés à la filiale = 1 200 000$ revenu net
Impôts sur le revenu américain = 1 200 000$ x 25% taux d’imposition aux États-Unis
= 300 000$
Il faut ensuite ajouter l’impôt que la filiale va devoir payer au paradis fiscal :
800 000$ de revenu x 5% taux d’imposition du paradis fiscal = 40 000$
Impôt total pour l’entreprise = 300 000$ aux États-Unis + 40 000$ au paradis fiscal
= 340 000$
Avec la création de la filiale, l’impôt total à payer pour cette entreprise est de 340 000$ au lieu de 500 000$. Il y a eu une économie de 160 000$ simplement suite à la redirection des revenus vers un pays où l’imposition est moins élevée. Il n’y a pas eu d’activité économique réelle dans le paradis fiscal, seulement dans les documents. Pour une entreprise multinationale, les économies d’impôts peuvent se chiffrer dans les milliards de dollars avec ce processus.
Une deuxième stratégie qui peut être utilisée est celle de créer une filiale pour servir d’intermédiaire à la commercialisation des produits. Supposons qu’une entreprise américaine fabrique des cellulaires dans une usine située aux États-Unis. Cette entreprise produit des cellulaires avec un coût de fabrication de 5$ par unité. Elle vend ses cellulaires à une de ses filiales située dans un paradis fiscal, à un prix de 10$ par cellulaire.
Cette filiale revend par la suite ces cellulaires à des magasins à grande surface et à des distributeurs avec un prix de 200$ par unité. Il y a donc un profit de 190$ par cellulaire pour cette filiale, sans aucune valeur ajoutée de sa part. Ce profit pourrait être imposé à 5% dans le paradis fiscal au lieu d’être imposé à 25% aux États-Unis. Encore une fois, l’entreprise peut économiser d’énormes sommes en impôts, et ce sans même qu’un seul cellulaire se retrouve physiquement dans le paradis fiscal.
Profit imposable à 25% aux États-Unis = 5$ par cellulaire
Profit imposable à 5% dans le paradis fiscal = 190$ par cellulaire
Une troisième stratégie est d’ouvrir une filiale qui va s’occuper exclusivement d’investir l’argent non-nécessaire de l’entreprise. Cette filiale serait ouverte par une entreprise auprès d’un paradis fiscal, et cette filiale ne paierait pas d’impôt sur les profits générés par ses investissements de son compte d’encaisse. Ceci est un cas fréquent aux États-Unis, où plusieurs entreprises ont des filiales dans l’état du Nevada. Cet état a un taux d’imposition de 0% pour les revenus de compagnies.
Ces stratégies semblent plutôt faciles à implanter mais elles ont bien sûr été simplifiées afin de pouvoir les vulgariser dans cet article.
Avantages pour le paradis fiscal d’avoir une législation fiscale permissive
L’impôt récolté par un gouvernement sert en premier lieu à assurer le bon fonctionnement du pays. Les paradis fiscaux comptent plutôt sur l’activité que ces nouveaux clients potentiels vont amener au pays pour renflouer leurs coffres. Les frais d’enregistrement des filiales étrangères forment une grande partie des revenus de ces pays et c’est ce qui rend tout ce processus profitable pour eux. De plus, ce secteur économique va créer beaucoup d’emplois pour la population locale.
Exemples de paradis fiscaux
Les lois changent sans cesse, alors un pays qui peut être un considéré un paradis fiscal pour une entreprise pourrait ne plus l’être suivant un changement de ses règles fiscales. Néanmoins, voici une courte liste qui énumère quelques paradis fiscaux importants:
Barbade | Gibraltar | Luxembourg |
Bermudes | Hong Kong | Malaisie |
Bahamas | Îles Vierges Britanniques | Malte |
Belize | Îles Caïmans | Monaco |
République de Chypre | Île de Jersey | Panama |
État du Delaware, E-U | Irlande | Pays-Bas |
État du Nevada, E-U | Liechtenstein | Suisse |
Un prochain article décrira les conséquences économiques des paradis fiscaux ainsi que des prochains développements possibles par rapport à la règlementation.
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