Le fonctionnement des paradis fiscaux a été expliqué dans un premier article, et dorénavant il est essentiel de regarder l’impact que ces paradis fiscaux ont sur l’économie. Leurs politiques fiscales permissives sont sujettes à débat dans les médias, alors il faut aborder ce thème sous plusieurs aspects différents.
Croissance des inégalités
L’argument principal contre les paradis fiscaux est qu’ils contribuent à la croissance des inégalités dans la société. Les particuliers fortunés peuvent investir une partie de leur avoir à l’extérieur du pays domiciliaire et payer une fraction de leur taux d’imposition sur les revenus générés par cet investissement. Ils vont donc pouvoir croître leur fortune plus rapidement que les autres classes sociales. Ces stratégies utilisant les paradis fiscaux requièrent un montant minimum important, et sont seulement accessibles à la classe supérieure.
De plus, le fait que les entreprises peuvent minimiser leurs impôts à payer avec les paradis fiscaux est un avantage également pour les personnes plus fortunées. En effet, les personnes ayant des moyens financiers plus importants possèdent généralement plus d’investissements, et ces produits financiers vont gagner en valeur suite à cette diminution des dépenses.
Une entreprise qui peut minimiser sa charge d’impôts peut utiliser ce montant pour développer de nouveaux projets et pour prendre de l’expansion. Ceci va faire monter le prix du titre boursier, et bénéficier les actionnaires comme vu dans l’article sur les actions. Or, le capital financier dans les pays occidentaux est détenu principalement par les mêmes personnes qui détiennent la richesse. Au lieu de prendre de l’expansion, une entreprise peut aussi verser cet excédent de liquidités aux actionnaires sous forme de dividendes. Ceci va également bénéficier les actionnaires car non seulement ceci est un revenu additionnel pour eux, les dividendes sont aussi plus fiscalement avantageux au niveau de l’imposition.
Compensation du revenu perdu
Vu que ces stratégies font diminuer les impôts payables par les entreprises et par les individus à haute valeur nette, ce sont les autres contribuables qui vont devoir assumer une plus grosse partie des impôts pour compenser ce trou laissé dans le budget gouvernemental. Des biens publics accessibles à tous, comme les hôpitaux et les routes par exemple, coûtent un certain montant par année. Si l’impôt payé par les entreprises diminue, le gouvernement va devoir chercher une autre source de financement supplémentaire pour couvrir ce déficit. Cependant, vu que les particuliers connaissent déjà des taux d’imposition élevés, la solution récente est d’augmenter la dette gouvernementale pour boucler les budgets. Plusieurs budgets déficitaires de suite forcent des mesures d’austérité et de coupures généralisées. De plus, ceci n’est pas une solution à long terme, car la cote de crédit d’un pays se dégradera avec l’augmentation de la dette, et il arrivera un moment où le pays en question ne pourra plus emprunter de fonds additionnels.
Baisse du taux d’imposition pour les entreprises
Plusieurs pays développés n’ont pas le choix que d’abaisser les taux d’impositions corporatifs afin de convaincre les entreprises de payer les impôts chez eux. En effet, une entreprise va toujours avoir le choix de payer les impôts soit dans le pays où elle fait affaire, ou soit d’utiliser un stratagème incluant un paradis fiscal pour payer moins d’impôts à l’extérieur du pays.
Pour être compétitif avec les paradis fiscaux et leur imposition très basse, le gouvernement trouve sans cesse des crédits et des déductions fiscales pour ces entreprises qui peuvent, à tout moment, décider de faire leurs impôts dans une autre juridiction. Ces politiques plus permissives vont encore une fois faire baisser le revenu provenant des impôts des sociétés.
Concurrence déloyale
Les entreprises qui utilisent les paradis fiscaux sont aussi une forme de concurrence déloyale envers les compagnies plus locales. Il est difficile de faire compétition avec un adversaire qui profite d’un taux d’imposition de 8% alors que notre taux d’imposition est de 25%. Cet adversaire peut utiliser cet avantage pour baisser ses prix et gagner des parts de marché supplémentaires. Il est maintenant facile de voir les raisons qui poussent des entreprises à utiliser les stratagèmes associés aux paradis fiscaux. Elles n’ont pas d’autre choix que de suivre la cadence établie par les firmes qui ont innovés financièrement dans cette direction.
Ceci est un gros désavantage pour les petites firmes locales qui n’ont pas les moyens financiers de développer une stratégie fiscale internationale. Un exemple cité couramment est celui des librairies locales qui n’ont pas pu compétitionner avec Amazon.com, firme qui elle était incorporée au paradis fiscal du Luxembourg.
Utilisation des biens publics
Certains trouvent injustes aussi que les entreprises utilisent les mêmes infrastructures et les mêmes biens publics que les autres membres de la société, mais qu’elles ne contribuent pas à la hauteur de ses capacités. Encore une fois, les frais pour maintenant les services publics retombent sur d’autres sources de revenu.
De plus, les entreprises profitent de la main d’œuvre locale et qualifiée, alors c’est à leur avantage d’investir dans la communauté et de contribuer pour maintenir les mêmes standards pour l’éducation par exemple.
Économie numérique
Il y a une émergence rapide d’entreprises provenant de l’économie numérique. Des entreprises telles que Facebook, Twitter, LinkedIn, Airbnb et plusieurs autres n’offrent pas de biens réels, simplement des services. De ce fait, ces entreprises ont la liberté complète de décider leur juridiction au sens fiscal. La majorité de ces entreprises choisisse une résidence fiscale qui minimisera leurs impôts à payer. C’est rendu la norme dans ce secteur en pleine croissance.
Non-compensation pour l’exploitation des ressources
Dans l’article d’introduction sur les paradis fiscaux, l’utilisation d’un intermédiaire financier a été décrite comme l’une des stratégies couramment utilisées. Cette stratégie consiste à vendre des produits à une filiale à moindres coûts, filiale qui est localisée dans un paradis fiscal, et c’est cette filiale qui vendra les produits aux distributeurs pour ainsi réaliser la plus importante partie des profits. Cette stratégie est très néfaste pour les pays qui dépendent fortement de leurs ressources naturelles pour leur procurer des revenus.
Prenons un exemple très médiatisé, celui des bananes au Guatemala. Les revenus provenant de la cueillette des bananes sont très importants pour le Guatemala, mais les entreprises utilisent un stratagème financier à leur avantage. Les bananes récoltées par les entreprises multinationales sont vendues à coûts faibles à une filiale dans un paradis fiscal. Le Guatemala reçoit seulement un pourcentage des profits réalisés suite à la vente des bananes à la filiale. Par la suite, lorsque la filiale revend ces mêmes bananes aux supermarchés avec le prix régulier, c’est la paradis fiscal qui devient responsable de récolter le faible taux d’imposition pour cette transaction financière.
Le Guatemala se retrouve avec beaucoup moins de revenus, et cela met un frein à son potentiel de croissance. Il y a plusieurs exemples possibles qui démontrent comment les pays en développement voient leurs revenus diminuer suite à l’exploitation de leurs propres ressources naturelles par les grandes entreprises.
Excès de liquidités favorise la création d’emplois?
En ayant plus de liquidités dans leurs coffres suite aux économies d’impôts, les entreprises affirment qu’elles ont la possibilité de poursuivre plusieurs projets d’expansion qu’elles ne pourraient pas réaliser autrement. Ceci va créer des emplois, et donc assurer un revenu d’impôt pour le gouvernement via les déclarations de revenu des salariés. Ces salariés pourront aussi dépenser leur revenu dans des entreprises locales, ce qui accentuerait la situation économique de la région au complet. Les entreprises utilisent ce raisonnement afin de justifier l’utilisation des paradis fiscaux.
Secret bancaire
Lorsqu’un particulier dépose un certain montant dans un paradis fiscal, le secret bancaire préservera son anonymat. Il est donc facile pour une personne, ayant obtenu un revenu de façon illégale (vente de drogue, crime organisé), de cacher ses revenus. Les paradis fiscaux ont donc toujours été une place de choix pour l’argent découlant des activités criminelles.
Prochains développements
Il y a de plus en plus de pression sur les agences mondiales, comme l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE), afin d’instaurer des mesures pour prévenir ce détour des flux monétaires par les paradis fiscaux. Il sera intéressant de voir les prochains développements à ce sujet. Des mesures qui vont mieux répartir les charges d’impôts d’une entreprise selon l’activité économique réelle qu’elle génère ont déjà été discutées, mais ce changement dans les façons de faire est voué à une forte opposition corporative. De plus, des changements aussi importants au niveau des paradis fiscaux vont exiger plusieurs accords internationaux entre les gouvernements, ce qui va complexifier l’entrée en vigueur des mesures futures.
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