La péréquation est un système de répartition des richesses créé par le gouvernement fédéral, qui a pour objectif de rendre la situation plus équitable au niveau des services publics offerts dans chacune des provinces. Les provinces n’ont pas tous la même capacité économique, et ces transferts vont les aider à offrir des services publics comparables.
Formule utilisée
Une formule mathématique détermine le montant que le gouvernement fédéral va devoir transférer aux provinces, et cette formule est revue à chaque période de 5 années. La formule comporte 33 variables, et ces variables représentent les sources de revenus possibles pour une province. Par exemple, parmi celles-ci, il y a les impôts des particuliers et des entreprises, les taxes à la consommation et les redevances provenant de l’exploitation des ressources naturelles.
Une province avec d’importantes sources de revenus va pouvoir offrir des meilleurs services publics qu’une autre province avec une population moindre, ou qu’une autre province n’ayant pas la possibilité d’exploiter une ressource naturelle sur son territoire. C’est exactement ce que la péréquation tente d’égaliser. La composition de la formule est assez complexe, et a souvent été modifiée au cours de son histoire. Sa description détaillée se fera dans un article distinct.
En bref, la formule utilisée calcule la moyenne nationale pour la capacité fiscale des provinces. Ceux qui sont en-dessous de cette moyenne vont recevoir des paiements de péréquation, alors que ceux au-dessus ne vont pas en recevoir. Il y a 4 provinces actuellement au-dessus de la moyenne nationale: Alberta, Saskatchewan, Terre-Neuve-et-Labrador et la Colombie-Britannique. Les 6 autres provinces vont être récipiendaires des transferts. Le raisonnement derrière ces transferts découle du fait que les 4 provinces qui profitent des richesses amenées par l’exploitation des ressources naturelles devraient partager leurs revenus, car les ressources naturelles appartiennent au Canada en entier et la situation géographique de ces provinces ne devrait pas les avantager relativement aux autres.
Les paiements de péréquation ont débuté en 1957. Depuis le début du programme, 5 provinces ont reçu des transferts sans interruption (Québec, Manitoba, Nouveau-Brunswick, Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse. L’Ontario a reçu des paiement de péréquation pour la première fois en 2009.
Les 3 territoires du Canada ne sont pas inclus dans ce système de péréquation car ils possèdent leur propre entente avec le gouvernement fédéral.
Données les plus récentes
Voici les dernières données sur les transferts fédéraux en fonction de l’entente sur la péréquation. Ces données sont en millions de dollars, donc par exemple, un montant de 361 signifie 361 000 000$.
Provinces |
2011-2012 | 2012-2013 | 2013-2014 | 2014-2015 | 2015-2016 |
Terre-Neuve-et-Labrador |
0 | 0 | 0 | 0 |
0 |
Île-du-Prince-Édouard |
329 | 337 | 340 | 360 |
361 |
Nouvelle-Écosse |
1167 | 1268 | 1458 | 1619 | 1690 |
Nouveau-Brunswick |
1483 | 1495 | 1513 | 1666 | 1669 |
Québec |
7815 | 7391 | 7833 | 9286 | 9521 |
Ontario | 2200 | 3261 | 3169 | 1988 |
2363 |
Manitoba | 1666 | 1671 | 1792 | 1750 |
1738 |
Saskatchewan |
0 |
0 | 0 | 0 |
0 |
Alberta |
0 |
0 | 0 | 0 |
0 |
Colombie-Britannique |
0 |
0 | 0 | 0 |
0 |
Source : http://www.fin.gc.ca/fedprov/mtp-fra.asp
En regardant ce tableau, il est facile de voir que le Québec reçoit la plus grosse portion des transferts :
= 9 521 000 000$ pour le Québec en 2015-2016 / 17 342 000 000$ péréquation 2015-2016
= 54,9% du montant total
Cependant, le Québec a aussi la deuxième population la plus élevée parmi les provinces au Canada, après l’Ontario. Voici un second tableau qui divise le montant reçu en fonction de la péréquation par le nombre d’habitants dans la province en question :
Provinces |
Population | Péréquation par habitant en 2015-2016 |
Rang |
Terre-Neuve-et-Labrador |
528 000 | – | – |
Île-du-Prince-Édouard |
147 000 | 2 455$ | 1 |
Nouvelle-Écosse | 945 000 | 1 788$ |
3 |
Nouveau-Brunswick | 756 000 | 2 207$ |
2 |
Québec |
8 274 000 | 1 150$ | 5 |
Ontario | 13 792 000 | 171$ |
6 |
Manitoba |
1 296 000 | 1 341$ | 4 |
Saskatchewan |
1 139 000 | – |
– |
Alberta | 4 181 000 | – |
– |
Colombie-Britannique |
4 678 000 | – |
– |
Le Québec se retrouve maintenant au 5e rang pour la péréquation reçue par habitant, avec deux provinces obtenant presque deux fois plus d’argent par habitant. Les deux tableaux précédents sont souvent illustrés dans les médias pour dépeindre la situation actuelle de la péréquation. Cependant, la compréhension du concept passe par la connaissance de plusieurs points supplémentaires.
Financement de la péréquation
Le financement de la péréquation provient des impôts prélevés par le gouvernement fédéral. Ce sont donc les contribuables canadiens qui payent pour renflouer le fonds de la péréquation, et le gouvernement fédéral redistribue ces fonds à travers les provinces. La question à se poser est de savoir d’où proviennent les revenus du gouvernement fédéral? Les chiffres varient d’année en année mais voici le pourcentage d’impôt fédéral récolté par province en 2009 par exemple:
Ontario (39,6%), Québec (18,5%), Alberta (16,8%), Colombie-Britannique (12,7%), Saskatchewan (3,3%), Manitoba (3,0%), Nouvelle-Écosse (2,3%), Terre-Neuve-et-Labrador (1,77%), Nouveau-Brunswick (1,72%), Île-du-Prince-Édouard (0,3%)
Les 4 provinces qui ne reçoivent pas de versement de péréquation comptent pour 35% des impôts fédéraux reçus.
16,8% Alberta + 12,7% Colombie-Britannique + 3,3% Saskatchewan + 1,77% Terre-Neuve-et-Labrador = 35%
Par contre, cela ne veut pas dire que ces provinces donnent 35% en impôts fédéraux sans rien recevoir en retour. La péréquation est l’un des nombreux types de transferts entre le gouvernement fédéral et les provinces.
Transfert fédéraux
Il y a 6 types de transferts principaux du gouvernement fédéral vers les provinces/territoires:
- Transfert canadien en matière de santé
- Transfert canadien en matière de programmes sociaux
- Péréquation
- Paiements compensatoires associés aux ressources extracotières
- Protection sur les transferts totaux
- Autres montants
Les montants exacts de tous ces transferts sont visibles en suivant ce lien:
http://www.fin.gc.ca/fedprov/mtp-fra.asp
Par exemple, une province pourrait recevoir un paiement de péréquation plus petit, mais en contrepartie le transfert du gouvernement canadien en matière de santé pourrait être plus élevé. L’ensemble des transferts fédéraux sera étudié prochainement dans un autre article car celui-ci a pour but de décrire le concept de péréquation. C’est la totalité des transferts qui va servir de baromètre afin de savoir si les impôts fédéraux récoltés de la part des provinces sont équitablement répartis à travers le pays.
Disputes et arguments
Les provinces veulent offrir les meilleurs services à leurs citoyens, et il peut donc avoir des situations de conflits entre les provinces afin d’obtenir une plus grosse part du budget attitré aux transferts. En regardant le fonctionnement des transferts de péréquation, plusieurs arguments sont souvent entendus pour augmenter ou diminuer les transferts vers une province ou une autre.
Pour juger de la validité d’un argument, il faut se demander si la péréquation atteint réellement son but, celui d’offrir des services publics comparables partout au Canada. Sans l’atteinte de cet objectif, il y aurait une exode vers la province offrant des meilleurs services, alors la péréquation est essentiel afin de mettre les provinces sur un pied d’égalité.
Cependant, ce sont les ressources naturelles qui font augmenter la capacité financière de certaines provinces, augmentant du même coup leur richesse. Le salaire moyen plus élevé en Alberta ainsi que ses taxes inférieures à la moyenne nationale sont donc compensés par ces transferts de péréquation vers d’autres provinces. Cependant, plusieurs mentionnent que l’hydroélectricité produite au Québec n’est pas assez dispendieuse. Si le Québec augmente le prix de l’électricité distribuée, les revenus seront plus élevés et le montant reçu par la province en provenance de la péréquation sera inférieur. Ceci est donc un argument contre la répartition actuelle de la péréquation. Une situation semblable est survenue avec la province de Terre-Neuve-et-Labrador, qui ne voulait pas entreprendre des activités d’exploitation de ses ressources naturelles car la province ne voulait pas voir ses paiements de péréquation diminuer. Finalement le gouvernement canadien a compensé la baisse de la péréquation envers cette province en instaurant une nouvelle catégorie de transfert, celle des paiements compensatoires associés aux ressources extracôtières. Cette mesure a encouragé Terre-Neuve-et-Labrador a accéléré le développement de ces ressources naturelles. Ceci était un exemple qui confirme qu’un des inconvénients de la formule actuelle de péréquation est l’incitation au statut quo de la part des provinces pour préserver leurs transferts fédéraux.
De plus, il faut également regarder les données sociodémographiques de la population. Selon une étude récente, l’employé moyen québécois travaillerait moins d’heures par année qu’un employé moyen canadien, et il prendrait sa retraite deux années plus tôt également. Ceci n’a pas fait le bonheur des autres provinces car elles affirmaient qu’avec des nombres d’heures travaillées équivalent, le revenu d’impôt du Québec serait plus élevé, et donc la péréquation diminuerait. Le fait de ne pas utiliser des mesures plus précises nuit également à l’acceptation universelle de la formule pour déterminer la péréquation.
En contrepartie, il est aussi possible de mentionner l’aide massive que le gouvernement canadien a offerte au secteur de l’automobile en Ontario lors de la récente crise. Sans cette aide, le secteur se retrouverait dans un pétrin financier majeur, alors que cette intervention gouvernementale a remise cette industrie sur la bonne voie. L’argent investi dans ce secteur avantageait majoritairement l’Ontario, quoique les fonds pour le sauvetage provenait du gouvernement fédéral, et donc des contribuables partout au Canada. Plusieurs critiques ont mentionné que cette aide ponctuelle pour l’Ontario enlevait une possiblité de transferts vers les autres provinces.
Il y a donc une multitude d’arguments pour et contre la formule actuelle de péréquation et même le concept de péréquation en entier. Il faut surveiller ce programme fédéral avec attention car déjà des changements s’annoncent pour les prochaines années.
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