Choisir le bon investissement parmi les milliers d’actions sur un marché boursier est un dilemme constant pour un investisseur. Le ratio cours/bénéfice est souvent utilisé pour comparer les actions entre elles et cet article servira d’introduction au calcul de ce ratio, en plus de donner une liste d’avantages et d’inconvénients quant à son utilisation. La formule pour le ratio est la suivante :
Ratio cours/bénéfice = cours de l’action / bénéfice par action
Variables dans la formule
Dans la partie du haut de la formule, le cours de l’action est simplement le prix auquel se transige l’action sur le marché boursier. C’est la variable du bas, le bénéfice par action, qui demandera plus d’analyses afin d’en vérifier la source. Il suffit de prendre le profit de l’entreprise, et diviser ce profit par le nombre d’actions en circulation. Par exemple, supposons les données suivantes pour une compagnie fictive :
Prix de l’action: 21$
Nombre d’actions en circulation: 30 000 000 actions
Profit de l’entreprise lors de la dernière année: 80 000 000$
Quel serait le ratio cours/bénéfice pour cette entreprise? La première étape est de diviser le profit de l’entreprise lors de la dernière année par le nombre d’actions en circulation :
= 80 000 000$ profit / 30 000 000 actions en circulation
= 2,66$ bénéfice par action
La deuxième étape est de prendre le prix par action et le diviser par le bénéfice par action :
= 21$ / 2,66$
= 7,9 ratio cours/bénéfice
En termes simples, ce ratio veut donc dire que le prix de l’action est 7,9 fois plus élevé que le profit réalisé au cours de la dernière année. Est-ce bon ou mauvais?
Méthode d’analyse
Le ratio cours/bénéfice est un ratio qui permet de faire des comparatifs entre des entreprises. Un ratio de 7,9 ne veut rien dire par lui-même, c’est seulement lorsque l’investisseur compare les données avec les autres entreprises que tout prend son sens. Supposons 3 entreprises qui œuvrent dans le même secteur d’activité, donc qui ont une croissance semblable en lien direct avec la croissance de l’industrie:
Compagnie ABC : ratio cours/bénéfice de 8
Compagnie DEF : ratio cours/bénéfice de 6
Compagnie GHI : ratio cours/bénéfice de 15
La compagnie DEF semble être le choix le plus intéressant, car le prix de l’action coûte seulement 6 fois les bénéfices annuels de l’entreprise. Si les entreprises sont semblables, et que les perspectives de croissances sont semblables aussi, l’investisseur devrait donc choisir d’acheter les actions de la compagnie DEF au détriment des deux autres options possibles.
Habiletés de prévision
Dans l’exemple précédent, la sélection était plutôt facile car les perspectives de croissance des 3 entreprises étaient semblables selon l’énoncé. En pratique, il faut analyser beaucoup plus loin que ce simple ratio. Faire le calcul du ratio paraît simple, mais il est important de ne pas trop simplifier son analyse.
Par exemple, le prix de l’action pourrait être bas car l’entreprise vient d’annoncer une perte de contrat qui rendra sa rentabilité future inférieure aux prévisions. Le prix baissier de l’action sera bénéfique au ratio cours/bénéfice, quoique l’investissement deviendra moins attrayant. Les bénéfices indiqués dans le dénominateur de la formule sont ceux de la dernière année, et n’ont donc aucune incidence sur les résultats prochains de l’entreprise.
Pour contrer la dépendance à la performance passée, une autre variation du ratio existe auprès des analystes financiers. Il s’agit de remplacer le dénominateur dans la formule, les bénéfices de la dernière année, par les bénéfices espérés de la prochaine année. Cependant, les prévisions des bénéfices sont fondées sur des hypothèses et ceci est très subjectif. Chaque analyste peut avoir sa propre théorie sur l’avenir et les tendances économiques.
Catégories d’actions
Le ratio cours/bénéfice permet aux analystes de placer les actions se transigeant sur marchés boursiers en deux catégories distinctes :
- Les actions de type valeur
- Les actions de type croissance
Les actions de type valeur sont associées à des ratios cours/bénéfices plus bas et proviennent de secteur à moins forte croissance. Une entreprise bien établie dans le secteur des textiles pourrait en être un exemple. Ce ne sont pas nécessairement des mauvais investissements; c’est vrai que le potentiel de croissance du secteur est plus bas, mais la volatilité des prix de l’action diminue également.
Les actions de type croissance sont ceux qui ont un ratio cours/bénéfice plus élevé. Le prix de l’action est haut car ils ont encore un fort potentiel de croissance. L’investisseur est prêt à payer une action plus chère maintenant, car il croit que les bénéfices augmenteront rapidement, ce qui stabilisera le ratio cours/bénéfice à long terme.
Tout dépend donc de ce qu’un investisseur recherche. Il n’est pas juste de comparer deux entreprises de secteurs différents et choisir la meilleure seulement en fonction du ratio cours/bénéfice. En ce moment, il y a des secteur en entier où toutes les compagnies possèdent un ratio élevé, comme le secteur des technologies par exemple. Le ratio cours/bénéfice est optimale quand utilisé entre deux firmes semblables, et dans le même secteur.
Avantages du ratio cours/bénéfice
Ce ratio a été popularisé dans les années 1930 par le célèbre investisseur Benjamin Graham, et si ce ratio est toujours tant utilisé aujourd’hui, c’est parce qu’il possède plusieurs avantages:
- Ce ratio est facile à obtenir et son utilisation est très répandue. Par exemple, voici le titre boursier Dollarama en date du 7 octobre 2015 sur le site de La Presse. L’information sur le ratio C/B est facilement visible dans la colonne de droite, ainsi que le bénéfice par action. Il faut noter que le prix de l’action fluctue sans cesse pendant la journée alors que le ratio C/B est généralement mis à jour à la fin de la journée seulement. Ceci explique la différence entre le cours C/B affiché et celui qu’une personne obtiendrait si elle faisait elle-même le calcul de la formule présentée en début d’article.
- Un autre avantage est le fait que le ratio utilise les bénéfices de l’entreprise directement dans la formule. Les bénéfices sont le moteur de la croissance, et cette donnée est celle qui attire principalement l’attention des investisseurs. C’est donc intuitif d’analyser une action en utilisant les bénéfices en tant que variable dans les calculs.
- Plusieurs recherches ont été menées à terme pour déterminer si les actions de type valeur (avec un ratio C/B bas) ont été plus profitables à long terme en comparaison avec les actions de type croissance (avec un ratio C/B plus élevé). Les recherches ont confirmé que les actions de type valeur, donc plus abordables en se fiant au ratio C/B, ont généré un rendement plus élevé à long terme. Les actions de type valeur résistent mieux à la turbulence sur les marchés financiers car ils ont une stabilité que les actions de type croissance ne possèdent pas. Ceci est un point positif pour le ratio C/B qui permet de dénicher les aubaines sur le marché boursier.
Inconvénients du ratio cours/bénéfice
Pour bien comprendre et bien utiliser ce ratio financier, il est essentiel de connaître les inconvénients également :
- Les bénéfices peuvent être nuls ou même négatifs pour une année plus difficile. Si cette situation survient, le ratio cours/bénéfice perd sa signification. La formule devient même impossible à calculer car une division où le dénominateur est négatif n’est pas autorisée. Si les perspectives de l’entreprise sont plus positives, il est possible de transformer ce ratio en utilisant les bénéfices espérés pour ainsi obtenir une donnée positive au dénominateur.
- Les bénéfices peuvent varier beaucoup d’une année à l’autre, ce qui fera grandement varier le ratio cours/bénéfice en conséquence. Pour avoir un aperçu plus juste pour une entreprise, il est important de réajuster les bénéfices en enlevant l’impact des événements inhabituels et non-récurrents. Par exemple, si une entreprise doit exceptionnellement fermer une usine de production et dédommager les employés qui seront mis à pied, ceci est une dépense qui ne risque pas de se reproduire l’année suivante. Il est donc efficace d’ajouter cette dépense aux bénéfices, comme si elle ne s’était jamais passée, et refaire les calculs du ratio. Ceci s’appelle la normalisation des bénéfices, et l’objectif est de rendre les données comparables d’une année à l’autre. Des manipulations de ce type peuvent être multiples.
- Souvent, le prix d’une action peut varier rapidement, sans aucune raison apparente. Le prix d’une action est déterminé selon l’offre et le demande des marchés boursiers, et des fois les fluctuations peuvent être influencées par l’émotion des investisseurs à court terme. Vu que le prix d’une action se retrouve dans le numérateur de la formule ratio cours/bénéfice, n’importe quel mouvement minime de la valeur d’un titre boursier va faire varier le ratio.
- Le ratio cours/bénéfice fluctue aussi avec les cycles économiques. Lorsque l’économie va bien et prend de l’expansion, les bénéfices des entreprises augmentent et cela fait diminuer le ratio cours/bénéfice. De l’autre côté, dans un creux économique, les ratios cours/bénéfices seront plus élevés. Pour contrer l’influence des cycles économiques, des analystes calculent les ratios cours/bénéfice sur des périodes de plusieurs années afin d’inclure un cycle complet.
- La méthode par laquelle une entreprise choisira de se financer va aussi avoir un effet sur le calcul du ratio cours/bénéfice. Supposons qu’il y a deux entreprises identiques recherchant des fonds supplémentaires pour un financer un projet d’expansion. La première entreprise obtient un prêt d’une institution financière, alors que la deuxième entreprise décide d’émettre de nouvelles actions. Les deux entreprises pourront avoir accès à des liquidités supplémentaires, chacune à sa manière. L’entreprise qui obtient un prêt bancaire aura le ratio cours/bénéfice plus petit, malgré qu’un prêt endette la compagnie et donc augmente son risque financier. Une émission d’actions supplémentaires affectera le dénominateur du ratio cours/bénéfice, car le bénéfice sera maintenant divisé par plus d’actions. De ce fait, avec le dénominateur de la formule C/B plus petit, le ratio augmentera. Cette deuxième entreprise, pourtant non-endettée, semblera moins attrayante en se basant seulement sur le ratio C/B.
- Les bénéfices sont également manipulables par la direction d’une entreprise. En ayant des objectifs ambitieux à atteindre afin de garder leur poste avec l’entreprise, la direction possède les incitatifs nécessaires pour jouer avec le bénéfice à son avantage. Par exemple, une firme pourrait changer la méthode pour amortir ses biens immobiliers, ce qui pourrait gonfler les bénéfices pour l’année en cours. L’amortissement sera expliqué dans un prochain article.
- Il faut également faire attention lorsqu’il est temps de trouver le bénéfice par action dans la formule du ratio cours/bénéfice. La formule est la suivante :
Bénéfice par action = bénéfice de la firme / nombre d’actions en circulation
Par contre, le nombre d’actions n’est pas toujours stable dans une année, et diviser le bénéfice d’une entreprise par le nombre d’action à une date précise ignore les changements dans le nombre d’actions en circulation. Si une entreprise a émis des actions supplémentaires pendant l’année, ou si l’entreprise a racheté des actions, des ajustements doivent être faits au calcul du ratio C/B pour rendre ce ratio comparable à travers le temps.
- Finalement, le ratio C/B ne tient pas compte de plusieurs facteurs qui ne sont pas quantifiables; solidité du modèle d’affaire, certitude des revenus futurs, durabilité des avantages concurrentiels, notoriété de la marque, qualité du personnel de direction, brevets détenus par la firme etc. Pour deux entreprises ayant un ratio C/B semblable, la firme qui possède un avantage par rapport aux points mentionnés aura le meilleur potentiel de rendement, mais tous ces éléments ne sont pas inclus dans le calcul. Plusieurs analystes croient cependant que ces éléments devraient être intégrés dans le prix de l’action, qui lui est reflété dans le calcul du ratio C/B.
Conclusion
Ce ratio financier demeure l’un des plus populaires, mais plusieurs autres ratios seront également présentés dans un prochain article. Ces ratios viennent compléter certaines lacunes du ratio cours/bénéfice.
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