Nous voyons les autocollants Libre Nego un peu partout au Québec depuis quelques mois. Il s’agit d’un conflit entre les employés municipaux et le gouvernement du Québec par rapport à leurs fonds de pension. Voici quelques exemples d’employés municipaux touchés par ce conflit :
- Pompiers
- Policiers
- Cols blancs (les employés de bureau et les preneurs de décisions)
- Cols bleus (les ouvriers ayant un travail plutôt manuel)
- Employés de transport (travailleurs de la Société de Transport de Montréal, par exemple)
Fonctionnement d’un régime de pension
La première étape est de comprendre le fonctionnement des régimes de pension à prestations déterminées comme ceux que gèrent les municipalités. À chaque paie, un montant est prélevé sur le salaire des employés municipaux et est mis dans un compte spécial administré par la ville en question. En contrepartie de leurs cotisations, la ville versera des rentes aux salariés, quand ils auront atteint l’âge de leur retraite. Nous allons illustrer le tout avec un exemple fictif juste pour démontrer le fonctionnement de ce type de régimes.
Une entreprise ABC offre un fonds de pension à prestations déterminées à ses employés. L’appellation « à prestations déterminées » est utilisée car l’employé peut savoir le montant qu’il obtiendra à sa retraite. Donc ses prestations futures sont déterminées à l’avance. L’employé doit cotiser 3% à chacune de ses paies à ce régime. Et, à sa retraite à 65 ans, l’entreprise ABC lui versera une rente chaque année, jusqu’à son décès, selon la formule qui suit:
2% x (les années de service avec la ville) x (la moyenne des salaires des 3 dernières années avant la retraite)
Si une personne a travaillé pendant 30 ans à la ville, et que ses salaires lors de ses trois dernières années étaient respectivement de 70 000$, 75 000$ et 90 000$, le calcul se ferait de la façon suivante :
= 2% x 30 ans de service x 78 333.33$ moyenne des trois dernières années
= 46 700$ par année jusqu’au décès
Très souvent, cette rente peut également être transférée au conjoint ou à la conjointe advenant le décès. Cette formule est un exemple et chaque régime de pension peut appliquer sa propre formule.
De ce montant versé, il est important de savoir que pour les régimes de pension municipaux, environ 30% proviendra des cotisations de l’employé qui auront fructifié avec le temps, alors que 70% de ces versements de retraite seront financés par la ville elle-même.
Problème actuel
Il y a 50 000 retraités et 122 000 participants actifs dans les régimes de pension qui vont être touchés par le projet de loi 3. Les participants actifs sont ceux qui cotisent à chacune de leurs paies et qui travaillent encore, alors que les retraités sont ceux qui reçoivent leur rente chaque année.
Il faut ensuite savoir ce que les villes font avec tout l’argent accumulé sur chacune des paies de leurs employés. Les villes embauchent un gestionnaire de fonds qui a la responsabilité de faire fructifier l’argent accumulé. L’argent est investi dans plusieurs véhicules de placement, comme les obligations et les actions, par exemple. Avec les mauvaises performances des marchés boursiers en 2007-2008, un gros écart s’est creusé entre ce que le régime devrait contenir pour être capable de payer les retraités et les cotisations accumulées dans le régime de pension. Pour un régime de pension à prestations déterminées, comme dans notre exemple, les cotisations des employés représentent une petite partie du montant qu’il faudra verser aux retraités. C’est la ville qui va devoir financer la différence. Le salarié est donc protégé contre les fluctuations économiques alors que l’employeur (ou la ville dans le cas ci-présent) doit couvrir la différence s’il manque de l’argent.
Le projet de loi 3 stipule que la ville devra payer la moitié du déficit des régimes de pension, et les employés acquitter l’autre moitié.
Les disputes en ce moment proviennent du fait que personne ne veut assumer ce déficit dans les fonds de pension. Les employés municipaux affirment que ce n’est pas de leur faute si la valeur des investissements a baissé. Ils veulent aussi négocier directement avec les villes (d’où les affiches libre-négo), alors que le gouvernement veut imposer une loi pour tous les régimes de pension municipaux de la province. En imposant une loi pour tout le monde, incluant les régimes de pension où il n’y a pas de déficit, le gouvernement tente de soulager les finances des municipalités.
La solution du gouvernement est de geler les rentes remises aux retraités. Par exemple, selon notre calcul fait plus tôt, un retraité recevrait un montant de 46 700$ par année. Cependant, ce montant serait augmenté chaque année par la ville pour couvrir l’inflation. Le gouvernement veut maintenant geler l’indexation des prestations, donc les retraités recevraient le même montant année après année, tant que les fonds de pension ne se portent pas mieux. Par la suite, il y aurait une possibilité de recevoir des paiements rétroactifs pour couvrir les sommes perdues.
Les arguments utilisés
Le gouvernement mentionne que plus de la moitié du déficit du régime provient des retraités actuels car ils ne cotisaient pas assez lorsqu’ils étaient des travailleurs actifs. C’est donc pour cette raison que le gouvernement veut suspendre l’indexation au coût de la vie des prestations aux retraités. Les retraités de leur côté mentionnent que leur régime de pension a été négocié collectivement et qu’il a été accepté autant par leurs syndicats que par les municipalités. Les retraités affirment également avoir refusé des augmentations de salaires car ils avaient la certitude d’obtenir un fond de pension à leur retraite. Couper leurs rentes à la retraite maintenant est donc inacceptable pour eux.
Le gouvernement pour sa part fait ressortir des statistiques sur les salaires des employés municipaux alléguant que ces derniers étaient surpayés comparativement aux employés provinciaux. D’après les statistiques, les employés municipaux sont payés 18% de plus que les employés de la fonction publique, et 37% de plus que les employés provinciaux. Ce projet de loi a donc pour but, également, de faire converger la rémunération (salaires et avantages sociaux) vers une région salariale semblable entre les différents paliers gouvernementaux.
De l’autre côté, les salariés mentionnent que si les finances des villes sont en déficit, c’est à cause d’une mauvaise gestion de la part des municipalités. Les employés revendiquent aussi le fait que les villes ont perdu beaucoup d’argent avec les cas de collusion et les malversations. Alors, ils clament que ce n’est pas à eux de payer pour le manque d’argent dans les coffres de l’état. Cet argument explique les affiches « On n’a rien volé nous autres ».
De plus, il y a toute la notion de libre-négociation. Les syndicats des travailleurs veulent négocier eux-mêmes avec les municipalités alors que le gouvernement veut imposer une loi à laquelle tout le monde devra se conformer. Une négociation entre les syndicats et les municipalités a beaucoup de chance de se rendre devant un arbitre neutre, s’il y a impasse. Le gouvernement craint que l’arbitre puisse avantager les syndicats. Les employés municipaux n’ont pas le droit de faire la grève car ce sont des services essentiels, alors ce point est un poids important dans la négociation.
Il y a aussi un dernier point à mentionner au niveau des arguments. Dans les années 1990, lorsque l’économie se portait bien, les municipalités avaient pris congé de paiement dans les régimes de retraite. En vous épargnant les détails, une équipe de professionnels incluant des actuaires, détermine le montant que les municipalités doivent ajouter aux fonds de pension afin qu’elles soient capables de payer les retraités dans le futur. Comme à cette époque les rendements étaient au rendez-vous, les municipalités avaient alors décidé de ne pas cotiser pour alléger leur situation financière. Les syndicats étaient d’accord avec ces congés de paiement. Maintenant que les déficits se sont creusés, plusieurs se demandent à quoi ressembleraient les régimes d’aujourd’hui, si ces villes, les employeurs, avaient toujours continué leurs paiements dans les fonds de pension.
Situation financière des régimes de pension
Il y a deux problèmes au niveau des régimes de pension qui vont causer des complications lors des prochaines années également. L’espérance de vie augmente sans cesse et par conséquent, les régimes de pension devront payer les retraités pendant plus d’années qu’auparavant. De plus, les rendements des sommes amassées dans les régimes de pension ne sont pas aussi élevés qu’auparavant. C’est ainsi que les villes se retrouvent dans la situation où elles doivent payer davantage aux retraités, à partir de caisses de retraite de moins en moins renflouées.
Pour rétablir ce déficit il y a plusieurs options :
- Augmenter les taxes des citoyens pour avoir plus d’argent dans les coffres municipaux. Les villes pourront donc renflouer les régimes de pension avec l’argent des citoyens
- Être capable d’augmenter les rendements des investissements dans les régimes de pension. Les villes peuvent aussi augmenter le niveau de risque de leurs placements pour tenter de combler les déficits des régimes en souhaitant de meilleurs rendements. Cependant ceci pourrait, au contraire, les creuser davantage.
- Changer les régimes de pension des employés municipaux pour les rendre moins généreux. Pour ce faire, il faudrait modifier certaines variables dans la formule de calcul des prestations. Dans ce cas, les employés municipaux seraient perdants.
Les retraités se battent pour garder leur indexation, les participants actuels se battent afin que le gouvernement n’intervienne plus dans leur régime de pension, et le gouvernement se bat pour assurer une bonne santé financière des municipalités.
Pour les entreprises privées, les régimes de pension à prestations déterminées ont été revus à la baisse au cours des dernières années car plusieurs entreprises avaient, elles aussi, des gros déficits. Les employés municipaux se battent afin que leurs régimes ne subissent pas le même sort que ceux du privé.
Finalement, plusieurs économistes affirment que les régimes de pension municipaux au Québec sont parmi les plus généreux en Amérique de Nord. Nous allons devoir suivre le dénouement de cette dispute durant les prochains mois.
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